Le texte ambitionne de simplifier les procédures actuelles, alors que la restitution de biens coloniaux par la France se fait au compte-goutte. « La France n’a pas fini son travail de deuil par rapport à son passé colonial », relève, mercredi sur France Culture, Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine et membre de la commission de la culture.
Le projet de loi-cadre facilitant la restitution des biens coloniaux sera présenté en Conseil des ministres mercredi 30 juillet. Défendu par la ministre de la Culture Rachida Dati, ce texte ambitionne de simplifier les procédures actuelles. Car malgré la volonté affichée par Emmanuel Macron en 2017 et les recommandations du rapport Savoy-Sarr l’année suivante, la restitution des biens culturels mobiliers spoliés par la France – principalement en Afrique – se fait encore au compte-goutte. Ces six dernières années, seules 27 œuvres ont été restituées. Parmi elles, 26 trésors du Dahomey ont été rendus au Bénin en 2021.
Pourtant, dix États, majoritairement africains (Algérie, Côte d’Ivoire, Madagascar…), ont formulé des demandes concernant plusieurs milliers de pièces. Ces biens gardés dans les musées français n’ont jamais fait l’objet d’un inventaire rigoureux et l’opacité plane encore sur les circonstances de leur acquisition ou de leur transfert vers la France. « La France n’a pas fini son travail de deuil par rapport à son passé colonial. C’est l’un des enjeux », déclare, mercredi sur France Culture(Nouvelle fenêtre), Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, vice-président du Sénat et membre de la commission de la culture.
Ainsi, ce projet de loi-cadre doit permettre de déroger, par décret, au principe d’inaliénabilité des collections publiques pour faire sortir les biens pillés par la France pendant la colonisation et réclamés par un pays. Jusqu’à présent, « le Parlement doit se prononcer pour les faire sortir du domaine public de la Nation pour en permettre la restitution ». Or, avec ce texte, « c’est le gouvernement qui va décider des conditions de la restitution et tout cela sera validé in fine par un décret pris en Conseil d’État », explique Pierre Ouzoulias.
Un enjeu « qui dépasse la diplomatique culturelle »
Il plaide pour la création d’une commission pérenne et indépendante car « il faut absolument que ces restitutions se fassent dans la plus grande transparence et que des avis soient rendus de façon publique, pour assurer au Parlement et à la Nation qui est propriétaire de ces biens que toutes les choses ont été faites dans les règles et respectent une déontologie qui est codifiée et qui va suivre quelles que soit les futures majorités », argumente le sénateur.
Vœu formulé également par Saskia Cousin Kouton, anthropologue et professeur de sociologie à l’université de Nanterre (Hauts-de-Seine). « Il y a un enjeu qui dépasse la diplomatie culturelle », estime-t-elle sur France Culture. Selon cette anthropologue, il s’agit également de réfléchir à la manière de restituer « aux premières personnes concernées, en particulier la jeunesse, leur patrimoine et leur matrimoine, pour qu’ils puissent aussi recouvrer cette histoire mais aussi une fierté ». Saskia Cousin Kouton ajoute qu’il s’agit d’une « question de souveraineté nationale mais aussi une question économique, de développement de l’économie culturelle ou touristique ». Ce projet de loi-cadre doit être examiné à la rentrée, en septembre, par le Parlement, lors de la session extraordinaire.
Source : France info.fr